Conseil Communautaire, séance du 8 juin 2021 – Délibération 25 – ZAC Balaruc Loisirs – déclaration de projet préalable à la DUP
Intervention de Philippe Carabasse
Je limiterai mes observations au périmètre des justifications avancées dans la délibération que nous allons être amenés à voter.
Pour rappel, le projet global présenté comprend la requalification de la zone commerciale existante et la création d’une extension au sud dans le but de diversifier l’offre commerciale et d’accueillir des activités économiques complémentaires à composantes culturelles et de loisirs. Si la requalification de la partie existante semble logique, la création d’une extension pose un certain nombre d’interrogations.
Dans les motifs justifiant l’intérêt général de ce projet, vous énoncez en premier point, le souhait de lutter contre la forte « évasion commerciale » vers le pôle métropolitain de Montpellier.
C’est un pari hasardeux que de vouloir concurrencer cette métropole dont la ville-centre est la 7ème de France, alors que Sète, ville-centre de Sète Agglopôle Méditerranée est 165ème ville de France.
Je veux bien croire, que Sète, en termes d’image et d’attractivité, pourrait jouer David contre Goliath, mais en économie, c’est rarement le cas et c’est très souvent Goliath qui l’emporte !
Les habitants du Bassin de Thau continueront normalement à aller sur une métropole, qui de par son impact économique, est en capacité de proposer une offre beaucoup plus variée, et peut-être d’une qualité supérieure à celle que cette nouvelle zone sera en mesure de proposer.
Si le pari de lutter contre cette forte évasion commerciale semble hasardeux et incertain, par contre ce qui est certain, c’est que l’offre qui sera faite sur cette nouvelle ZAC, va venir concurrencer de plein fouet l’offre commerciale proposée dans les autres communes du territoire de Thau et notamment dans les centres villes.
Certains maires, autour de cette table, pourraient dans un avenir proche devoir traiter de la friche commerciale, conséquence de désertification des centres villes. C’est un effet corollaire à cette zone économique qui semble inéluctable.
En deuxième point, toujours pour justifier l’intérêt général de cette ZAC, vous rappelez en avant l’étroite et indispensable articulation du projet d’extension de la zone commerciale avec l’aménagement et de l’infrastructure routière connexe ; notamment le projet de dédoublement de la RD.
Le lien ne semble pas si évident et si à chaque création d’aménagement routier, de dispositifs de facilitation de déplacements, une ZAC ou une Zone Économique étaient construites, je vous laisse imaginer une seconde la physionomie du territoire national
En troisième point, vous mettez en avant des enjeux de développement économiques et touristique. Mais à quel prix ? c’est toute la question et la réelle question : A QUEL PRIX ?
D’autant que nous savons très bien aujourd’hui, qu’il va y avoir une dérégulation de l’usage commercial actuel, les modalités d’habitude de consommation évoluent, les attentes également ; c’est un projet du passé. Les grandes surfaces économiques liées au « tout voiture » ne sont plus une réponse adaptée aux enjeux humains et environnementaux.
Il y aura un impact majeur en termes environnementaux, artificialisation des sols, conséquences sur les zones phréatiques, perte de biodiversité…
Dans la suite de la délibération, vous annoncez dans le chapitre bilan « coûts/avantages » l’attente prévisible de création d’emplois. Certes il y aura probablement création d’emplois, mais en poursuivant l’analyse, il y aura également probablement par ailleurs un transfert d’emplois existant sur la nouvelle zone commerciale et certainement une suppression d’emplois résultant de la concurrence directe de cette zone commerciale sur le commerce local existant.
Le solde positif en termes d’emplois ne sera sûrement pas à la hauteur attendu, le pari semble également très hasardeux !
Dans le chapitre bilan « coûts/avantages » concernant l’étude d’impact, vous annoncez que les rejets d’eau auront moins d’impact, car mieux traités. Mais même si ces rejets d’eau sont de « qualité », à un moment donné, la lagune ne pourra plus faire face aux conséquences de l’artificialisation des sols dans un espace déjà contraint et un environnement dont l’équilibre est fragile.
Vous ajoutez encore, de manière toujours très hasardeuse, qu’en évitant « l’évasion commerciale » vers le pôle métropolitain de Montpellier, il y aura une réduction des émissions de CO2. Ce qui reste à prouver…
Mais au vu du flux de circulation généré par cette nouvelle zone économique au sein même de notre territoire, nous pouvons par contre nous attendre à une augmentation de fait des émissions de CO2 !
Enfin quelques observation sur l’enquête publique. Le commissaire enquêteur conclut « toutes les observations remettant en cause le projet(….) ne prennent pas en compte la prospective indispensable à avoir pour le territoire. L’ensemble des questions nécessitant une réponse a bien été traité par SAM et j’estime ces réponses satisfaisantes «
Notez 2 mots dans cette phrase :
D’abord, « toutes », ce qui signifie qu’il n’y a pas eu selon le commissaire enquêteur, une seule question pertinente ! En résumé ce sont des béotiens qui ont participé à cette enquête publique. Incapables donc d’exprimer une observation qui aurait un début de sens et de pertinence. Nous avons entendu en début de séance 2 représentants du Pacte de Transition pour le Bassin de Thau, ils ne semblaient pas être totalement dénués de bon sens, et leur argumentaire semblait reposer sur une analyse fine des connaissances environnementales de la situation de notre territoire, et méritait semble-t-il d’être pris en compte. Mais Le commissaire affirme « toutes » pas une…
Puis, « j’estime » !!! En résumé il n’y a qu’une seule personne qui estime que le projet est bon et qu’il n’y a rien à dire sur ce dernier…
C’est une façon plus qu’étrange d’aborder la démocratie collaborative.
Donc, ce que nous explique le commissaire enquêteur et si nous devions traduire sa conclusion du rapport, c’est qu’il y a 2 sortes de gens, les éclairés, en général ceux qui décident, et ceux qui sont plongés dans les ténèbres de l’ignorance, en général ceux qui subissent !
En conclusion, le rapport bénéfices/risques de cette création d’une nouvelle zone économique n’est absolument pas évident.
Notre responsabilité est grande face à cette question d’approuver cette opération. Elle est d’autant plus grande, que si demain il y a des impacts négatifs sur l’économie, sur l’environnement, sur nos vies quotidiennes et sur nos santés, ce sont les générations futures qui paieront les erreurs et approximations d’aujourd’hui.
Des choix politiques unilatéraux, aveugles et sourds, remplis de certitudes et s’auto-justifiant par le biais de fausses concertations, conduisant finalement et tout simplement à mépriser l’avenir, et tant pis pour nos enfants…